L’île Sainte-Hélène a d’abord été fréquentée par les Iroquoiens du Saint-Laurent il y a au moins 600 ans. En 1611, Samuel de Champlain nomme l’île en l’honneur de sa femme, Hélène Boulé.
L’histoire de l’île et ses aménagements peut se découper en 4 grandes périodes :
Phase 1 : La baronnie, 1665-1818
L’île est concédée à Charles Lemoyne en 1665 et rattachée à sa seigneurie de Longueuil. En 1700, Lemoyne (fils) est nommé Baron de Longueuil. Dans les premières années, peu ou pas de bâtiments sont construits sur l’île. Les Lemoyne aménagent l’île dans le premier tiers du 18e siècle : manoir en pierre, pressoir à cidre, bergerie, étable-écurie, moulin. Pendant longtemps, l’île sert de résidence d’été à la famille Lemoyne. Ils y reçoivent aussi des dignitaires, comme le célèbre botaniste suédois Pehr Kalm à l’été 1749, qui note dans ses mémoires que le baron Lemoyne possède un manoir avec un jardin et une cour. Le manoir est démoli vers 1875 après avoir été laissé à l’abandon plusieurs années.
Phase 2 : La garnison britannique 1818-1870
En 1818, le gouvernement britannique acquiert l’île et entreprend aussitôt la construction d’installations, notamment le fort qui logea de 19.. jusqu’à 2021 le musée Stewart, des poudrières, un arsenal, une caserne et un cimetière dans le cadre d’un vaste plan pour fortifier le corridor stratégique du fleuve Saint-Laurent et le protéger d’une éventuelle attaque américaine (on sort à peine de la guerre anglo-américaine de 1812-1814!). La ville de Montréal est particulièrement vulnérable à ce moment – les fortifications de la ville étant en démolition depuis le début du siècle (les fortifications en question n’ont jamais vraiment protégé Montréal contrairement à la citadelle de Québec). Le site a été choisi pour sa proximité avec la ville, la vue offerte de ladite ville et des environs, ainsi que la difficulté d’y accéder par bateau vu les forts courants. Le fort est situé près des rives d’alors (la superficie originale de l’île est d’environ 123 acres alors qu’elle est de plus de 300 actuellement), à proximité du quai militaire – lequel permet l’approvisionnement. Le complexe militaire est construit entre 1819-1823, puis sera utilisé principalement comme dépôt pour entreposer du matériel militaire au service du système de défense du Saint-Laurent. Plus de 600 hommes sont logés dans l’arsenal en 1837-1838.
Phase 3 : Parc municipal et les grands travaux des chômeurs, 1870-1962
En 1870, suite à la Confédération, l’armée se retire et la Ville de Montréal entame aussitôt des discussions avec le gouvernement canadien afin d’utiliser l’île à des fins publiques. Le secteur militaire est alors clôturé et inaccessible à la population. En 1874, la Ville met en place une Commission spéciale des parcs, pour gérer les parcs et jardins, dont le parc Logan (futur parc La Fontaine) et l’île Sainte-Hélène. L’année suivante, un service de traversier entre Montréal et l’île est inauguré. La Ville prend officiellement possession de l’île Sainte-Hélène en 1908, alors que le gouvernement fédéral se réserve un droit d’usage du secteur militaire. Ce droit d’usage se révèle utile pendant les guerres mondiales, alors que les bâtiments militaires sont réquisitionnés à des fins d’entreposage (munitions et matériels militaires) et d’emprisonnement (près de 400 Italiens ont été détenus sur l’île pendant la Deuxième Guerre mondiale dans le camp S-43).
La construction du pont du Havre (renommé Jacques-Cartier en 1934) entre 1926 et 1930 permet d’augmenter l’accessibilité à l’île (en voiture ou à pied). Une nouvelle période d’aménagement s’ouvre pour l’île. L’architecte-paysagiste Frederick G. Todd propose un vaste plan d’aménagement inspiré du courant « City Beautiful » et des « parkways » américains : fusion des trois îles (Ronde, Sainte-Hélène, Verte), bassin de nage, mise en valeur des bâtiments militaires, aires de jeux, etc. Bien que la crise économique entrave la réalisation du plan dans son ensemble, certains éléments ont été réalisés dans le cadre du programme de grands travaux publics lancé pour venir en aide aux chômeurs : les bâtiments militaires sont restaurés, et on construit un réservoir d’eau pour alimenter le système d’aqueduc de l’île (la Tour de Lévis, au sommet du mont Boulé) ainsi que le Pavillon des sports. Les travailleurs extraient d’une carrière située près du fort dont elle est aussi construite, une pierre volcanique rouge, ce qui confère une unité aux bâtiments de cette époque, qui sont de style pittoresque avec une architecture souvent historiciste.
En 1949, les travaux d’aménagement peuvent reprendre : les plans de Todd sont repris et réactualisés, et les installations achevées. On complète le Pavillon des baigneurs, on y ajoute des piscines et on transforme le Pavillon des sports en restaurant (le Hélène-de-Champlain) en 1953.
D’autres institutions sont aménagées dans les années suivantes : le Musée Stewart, inauguré en 1955 comme petit musée privé (d’abord dans le blockhaus, puis dans le fort quelques années plus tard), et le Théâtre de la Poudrière, inauguré en 1958 dans l’ancienne grande poudrière (ce dernier ferme en 1968).
Phase 4 : Expo 67 – Terre des Hommes
En 1962, le Canada obtient le droit d’organiser une exposition universelle de 1e catégorie, qui est prévue en 1967 pour souligner le centenaire de la Confédération. Le projet d’origine de Todd est enfin réalisé : les produits des excavations du métro de Montréal et du pont-tunnel Louis-Hyppolite-La Fontaine sont utilisés pour relier les îles Ronde, Sainte-Hélène et Verte afin qu’émerge la nouvelle – et vaste – île Sainte-Hélène (dont la superficie passe de 123 acres à environ 300) et la complètement artificielle Notre-Dame. De nouveaux accès sont créés : bretelles du pont Jacques-Cartier, ponts de la Concorde et du Cosmos, métro Jean-Drapeau (station Île-Sainte-Hélène jusqu’en 2000).
62 pays participent à l’Expo 67. Ils «construisent leur propre pavillon ou bien s’associent à d’autres pays dans des pavillons régionaux. […] La conception des pavillons est l’œuvre des plus grands architectes du monde. L’ensemble est varié, et certains pavillons sont à couper le souffle.[…] L’intérieur des pavillons varie aussi beaucoup. Quelques-uns exposent de simples biens de consommation et des machines, tandis que d’autres présentent avec imagination l’histoire d’un pays et ses traditions.» (Encyclopédie canadienne)
Quelques-uns des anciens pavillons subsistent encore aujourd’hui : États-Unis (Biosphère), République de Corée; et sur l’île Notre-Dame : Canada, France, Québec, Jamaïque et Tunisie.
Devant le succès de l’Expo, la Ville de Montréal pérennise l’expérience avec Terre des Hommes, qui demeurent accessible jusqu’en 1984. Des spectacles sont présentés régulièrement à la Place des Nations, dont le premier Festival de Jazz de Montréal, en 1980.
Avec la fin de l’Expo 67 débute toutefois la lente dégradation des témoins de cet événement. Alors que quelques pays démontent leur pavillon, l’entretien des autres est laissé à la Ville de Montréal, qui gère Terre des Hommes. La Société du Parc Jean-Drapeau prend ensuite le relais. Divers aménagements sur les îles Notre-Dame et Sainte-Hélène provoquent la démolition de plusieurs pavillons, notamment les Olympiques (1976) et le circuit Gilles-Villeneuve (1978). En 1986, 13 pavillons sont détruits à cause de leur état de dégradation avancée.
Le parc d’attractions La Ronde, inauguré en 1967 sur l’île Sainte-Hélène, existe toujours, sous la bannière Six Flags depuis 2001.

Cicot, 1967