Guide de correspondance

Demande de protection ou d’intervention

Rien ne nous empêche d’écrire à qui que ce soit, depuis le premier ministre jusqu’à l’inspecteur municipal. Cependant, si l’on veut que cette communication ait une influence réelle pour orienter les résultats dans le bon sens, il faut bien cibler la personne à qui on écrit, connaître son rôle et ses responsabilités dans le dossier, et bien formuler son message.

Demande de protection ou d’intervention

Voici quelques suggestions « d’ingrédients » pour les paragraphes de cette lettre. À vous de juger de la formulation finale, selon le cas et votre connaissance du dossier et de ses facettes. Tout en restant digne et respectueux – injurier la personne n’aidera en rien la cause –, il faut être clair, averti et concis dans ses demandes. Après tout, quand on écrit à un ministre ou à un maire, on écrit à une personne élue pour représenter la population. Il est aussi utile de demander des rencontres pour préciser avec votre interlocuteur le contenu de votre demande et en examiner les suites. Enfin, il est important d’envoyer des copies conformes de vos lettres pour que le plus grand nombre de personnes en soit formellement avisé.

Ces « ingrédients » de base devraient être présentés dans l’ordre qui suit :

  1. L’importance de la propriété en question en tant que bâtiment, structure, vestige ou terrain pour sa valeur architecturale, archéologique, artistique, emblématique, ethnologique, historique, paysagère, ou encore son intérêt scientifique (écologie, botanique, biologie, etc.) ou technologique. Compte tenu des pouvoirs et des mandats respectifs, il est préférable d’exprimer cette valeur patrimoniale différemment selon qu’on s’adresse à sa municipalité ou au ministère de la Culture et des Communications du Québec, par exemple en soulignant l’intérêt local, régional ou national selon le cas.
  2. L’état de la propriété, les menaces qui pèsent sur elle (démolition par négligence, risque d’incendie, dégradation de la construction, perte ou vente d’éléments architecturaux ou de sculptures, banalisation, etc.).
  3. Une demande claire et précise aux décideurs en fonction de leurs pouvoirs d’action et de leurs responsabilités (il est bon de les leur rappeler d’ailleurs) complétée, au jugement, d’une échéance ou d’une demande de rencontre pour en discuter plus en détail (on peut aussi leur écrire séparément pour demander une rencontre formelle) :
    • au ministre de la Culture et des Communications, demande de classement pour protéger le bien en vertu de l’article 29 de la Loi sur le patrimoine culturel (voir annexe 1 pour les extraits de la loi);
    • au maire d’une municipalité, une demande de citation en vertu du chapitre 4 de la Loi sur le patrimoine culturel (voir annexe 1);
    • à l’un ou l’autre, une demande d’intervention urgente pour éviter la dégradation du bien en question;
    • à l’un ou l’autre ou à Parcs Canada, une demande d’assistance technique dans ce dossier et une rencontre à cette fin;
    • au ministre du Patrimoine canadien, une reconnaissance de l’importance commémorative du lieu ou du bâtiment;
    • au propriétaire, une demande de rencontre pour discuter de l’avenir du bien en question.

Selon le cas, envoyez des copies conformes aux autres décideurs publics (députés; conseillers municipaux; directeurs de service des permis, de l’urbanisme ou équivalent; associations en patrimoine locales, régionales ou nationales; universitaires; chambres de commerce; etc.).

Lettre d’opposition à une demande de permis de démolition

En général, lorsqu’il y a des règlements de démolition, ceux-ci indiquent que les oppositions doivent être communiquées au greffier de la ville pour des raisons techniques. Il se peut qu’un comité spécial soit aussi chargé de recevoir les opinions des citoyens à ce sujet. Rien n’empêche d’avoir une correspondance séparée avec les élus – maire ou conseillers – à ce sujet, mais il ne faudrait pas ignorer ou négliger de respecter les procédures et les échéances établies dans les règlements municipaux. En effet, vous risqueriez de perdre votre droit de parole officiel en ne faisant pas cette vérification et en n’écrivant qu’aux politiciens. Ceux qui demandent un permis de démolition vont généralement appuyer leur requête sur les arguments suivants auquel il faut savoir répondre ou éviter selon le cas, dans une lettre d’opposition :

  • l’état du bâtiment (vacant, dangereux, dégradé);
  • les coûts élevés de rénovation;
  • l’intérêt du projet de remplacement (emplois, taxes, nouveaux services);
  • le patrimoine, c’est l’affaire de l’État et non pas du propriétaire.

Les textes de règlement sur la démolition en vigueur dans votre municipalité contiennent parfois des critères qui servent à guider les choix des fonctionnaires et des élus qui auront à autoriser la démolition. Il est important de connaître ces critères pour bien formuler son opposition. Par exemple, à Montréal, on se préoccupe de la valeur architecturale du bâtiment, mais aussi de sa valeur comme partie d’un ensemble (homogène ou non) d’intérêt. Ailleurs, on s’intéressera à l’effet d’une démolition sur le paysage urbain.

Compte tenu de tout cela, les points suivants devraient figurer dans une lettre d’opposition à l’octroi d’un permis de démolition :

  1. Le nom et l’adresse du bâtiment en question (idéalement la même désignation que celle employée par la Ville);
  2. L’intérêt patrimonial du bâtiment (date de construction; valeur architecturale ou esthétique; intérêt historique ou artistique; intérêt du site ou des dépendances; ensemble paysager ou architectural dont il fait partie, etc.);
  3. Rappel de l’obligation de la municipalité de veiller à la préservation des éléments, dont les éléments patrimoniaux, qui rehaussent la qualité de ce qu’on appelle le « cadre de vie » au bénéfice de notre génération comme de celles à venir (d’une certaine façon, il s’agit de rappeler aux décideurs publics qu’ils doivent faire des choix fondés sur autre chose que la vision à court terme qu’ils appliquent trop souvent);
  4. Rappel de certains éléments associés aux arguments des demandeurs (par exemple, que l’état dans lequel se trouve le bâtiment est peut-être le résultat d’une incurie de leur part et qu’on fait face à un exemple de démolition par négligence);
  5. Rappel qu’une démolition est un geste irréversible qui effacerait une fois pour toutes une partie de l’histoire de la collectivité et que de nombreux exemples démontrent qu’il existe des solutions pour des situations semblables;
  6. Commentaires sur le projet de remplacement (s’il n’y en a pas qui soit crédible, on devrait insister sur le fait qu’il s’agit d’une démolition qui se soldera par une perte sèche à tous points de vue);
  7. « En conséquence, nous nous opposons à ce qu’un permis soit accordé pour la démolition dudit bâtiment. »;
  8. Une note pour offrir sa collaboration en vue de trouver des solutions sans toutefois dégager ainsi la municipalité de ses propres responsabilités.

Encore là, il sera utile de communiquer la lettre d’opposition à un choix de personnes, décideurs, élus ou organismes afin de les informer formellement de votre démarche et de votre opinion. Cela pourra aider à faire un suivi du dossier auprès de la municipalité et d’autres acteurs.

Pour vous aider davantage dans vos démarches, nous vous invitons à aller consulter la section « Liens utiles et répertoires » de la Boîte à outils, où vous trouverez de multiples ressources locales, municipales et nationales aptes à vous épauler.